Témoignages d’enseignants et de parents: mesures COVID-19 et reprise d’activités

Plusieurs personnes témoignent sur la reprise, suite au confinement / déconfinement COVID-19 en France: l’éducation en question.

Nathalie, enseignante en maternelle et maman de deux jeunes enfants

Contente et déçue

« Je suis à la fois contente à l’idée de reprendre contact avec les élèves et très déçue de voir un protocole sanitaire si contraignant qui est impossible à mettre en œuvre. En école maternelle (notamment pour les enfants de Petite Section-Moyenne Section), la rentrée met selon moi en péril une reprise réelle. Les syndicats risquent d’être suivis par des équipes concernant le droit d’alerte. Et si ces enfants reprennent malgré tout, quel impact psychologique va avoir cette expérience d’une école totalement différente de celle dans laquelle ils ont commencé à prendre des repères ?

Une classe de maternelle en Gironde le premier jour
Une classe de maternelle prête à accueillir, pour le déconfinement… quelques élèves.
Photo: Karine

Pédagogie et contenus

Pour quel gain pédagogique, étant donné qu’on va devoir assurer surtout le niveau sanitaire et que l’on ne sera pas concentré de la même manière sur les contenus ?

Pour les parents, quel réel gain par rapport à d’autres solutions de garde étant donné le rythme d’alternance évoqué (1J/1J ou 2j/2J ou une semaine/une semaine )?

Institutions, organisation, concertation

La concertation entre les différents acteurs institution/mairie/directeurs/enseignants est très lente à se mettre en place et à juste titre à mon sens pour notre zone encore en vacances bien méritées (car on a travaillé et « fait l’école » à la maison en même temps pendant 5 semaines) ; mais du coup le reprise à la date du 12 pour les premiers élèves est sans doute prématurée en l’état actuel des réflexions : la réunion entre notre IEN la mairie et les directeurs n’a lieu que mercredi prochain et donc toute la réflexion d’équipe qu’on a néanmoins en amont par mail va peut-être être balayée…

Mère de deux enfants et père en télétravail

Quant à mes propres enfants, comme pour d’autres parents à qui j’ai parlé) : il y a encore trop d’incertitudes sur le fonctionnement à venir pour souhaiter mettre nos enfants dès cette reprise : par chance mon mari télé-travaille et pourra assurer une présence à la maison.

Néanmoins, sur la question du suivi pédagogique, il sera seul, avec son boulot en plus, par conséquent, ce n’est pas l’idéal ; concernant les parents qui n’ont pas le choix, c’est de toute évidence anxiogène car, je l’ai déjà fait remarquer ci-dessus, la réflexion, et donc l’information, est trop lente pour se faire une idée rassurante de la reprise…

En attente d’éclaircissements

En ce qui nous concerne, en tant que parents, ma mari et moi ne remettrons pas nos enfants dès la reprise proposée car il y a encore trop de flou dans l’organisation, nous attendrons de voir ce qui se passe en première semaine avant de prendre une décision… – N. T. –

Chrystelle de Araujo, comptable, mère de trois enfants, Nouvelle Aquitaine, rive Droite de Bordeaux

En l’état actuel, je ne compte pas renvoyer mes enfants à l’école. Mais l’école n’ayant pas repris, nous ne savons pas comment va être organisée l’école. Quinze enfants par classe maximum, et qui va garder l’autre moitié? Où ?

A un moment donné, il faudra que je me résolve à remettre mes enfants en classe, parce que je n’ai pas le temps de faire l’école à la maison, mais le plus tard sera le mieux… – C.A. –

François, chef d’entreprise, père d’un enfant, Allemagne

Je suis inquiet des effets du confinement pour les populations fragiles, avec un vrai risque de décrochage, sans parler des violences potentielles. En revanche, cela passe aussi par de vraies mesures d’accompagnement de la communauté éducative pour protéger enseignants, accompagnants, enfants et famille. – F. C. –

Sortie dans les bois pour une classe d'école élémentaire
Finies les sorties de fin d’année scolaire pour les écoles en 2020
Photo: Crédits Itinerrances Reportages

Marie, enseignante et mère de deux enfants, Nouvelle Aquitaine, rive Droite de Bordeaux

Voila le reflet de mon état d’esprit du moment et je n’en suis pas vraiment fière…
Fin de la septième semaine de confinement et je réalise qu’en fait je suis en pleine crise d’adolescence…Pas levée avant midi, je me nourris de cochonneries à n’importe quelle heure, d’une hygiène très sommaire, je traîne en pyjama, ménage et rangement deviennent accessoires puisqu’on attend personne. Accrochée à mon téléphone, je regarde n’importe quoi, et j’ai battu tous les records au sudoku ! Et le boulot!? Bof….à quoi bon…je sais pas faire ….

Je viens de lire le protocole sanitaire envoyé dans les écoles, il vaut son pesant de cacahuètes ! C’est encore pire que ce que je pensais… respect d’un mètre entre tout le monde donc pas de distribution de matériel, leçon, copie etc… Pas de correction de cahiers du  coup, pas de prêt de livre, de matériel de peinture, de ballon… quelle tristesse, nos élèves vont être comme en prison sans pouvoir jouer avec leurs copains ! – M.R. –

Une classe aménagée au premier jour de déconfinement de Petite Section de Maternelle en Gironde
Une fois les explications passées, une semaine après la reprise, la même classe repensée, Petite Section Maternelle en Gironde.

Virginie, enseignante en école élémentaire et mère de deux enfants, Nouvelle Aquitaine, rive Droite de Bordeaux

Nos enfants sont forts et raisonnables

« Je trouve que ce confinement est particulièrement difficile pour les enfants, on leur demande beaucoup et avec leur yeux et leur cœur d’enfant, ils ne comprennent pas tout et se montrent particulièrement forts et raisonnables. Tant pour mes enfants que mes élèves, ce qui ressort c’est que leurs copains leur manquent, que le temps est long et que l’école à la maison c’est « moins bien qu’à l’école ».

Santé mentale

Je suis donc assez pour reprendre pour leur santé mentale parce qu’ils ont besoin de jouer, d’interagir, d’apprendre, de rire, de courir, de découvrir. Et pour tout dire, moi aussi la classe me manque, la vie normale aussi. 😉

« Nous avons été traités comme des moins que rien »

Niveau sanitaire, je suis inquiète.Je suis volontaire pour les enfants de soignants et nous avons été traités comme des moins que rien alors que le dispositif était allégé par rapport à ce qui se profile avec la rentrée à partir du 12 mai : pas de masques, des cas de collègues infectés dans une école de notre circonscription mis sous silence et des enfants n’entrant pas dans le dispositif qui ont eu des « passe droit » de l’inspecteur… bref de volontaire avec conviction, je me suis retrouvée à douter d’y retourner.

Manque de reconnaissance

Comment rentrer en classe en ne se sentant pas considérée? Je vois ce retour en classe comme une grande garderie, pour permettre aux parents de retourner travailler. Le pire pour moi est cette notion de « volontariat » des élèves !
Comment assurer un suivi pédagogique avec des demi-groupes, qui en plus ne seront pas au complet du fait du choix des parents de mettre ou non leur enfant à l’école ?
On avance avec ceux qui sont là ? On laisse tomber les autres ? Ah, non: il faut assurer la continuité pédagogique à distance ! C’est à dire ? Je fais classe à un petit groupe, je dois suivre sur ma boite mail en même temps, pour ceux restés à la maison ?

Une enseignante blasée...
Une enseignante blasée, avant confinement, lors d’une sortie scolaire: « retour en classe comme une grande garderie, pour permettre aux parents de retourner travailler »…
Photo: Crédits Itinerrances Reportages

Le don d’ubiquité: présentiel, mais aussi distanciel…

Je m’occupe des gestes barrières de ceux qui sont présents. Je « garde » les demi groupes de mes collègues qui font classe ? Je surveille les « récrés » où mes élèves ne devront pas croiser les autres groupes… Je dois trouver une potion pour me dédoubler avant le 12, je ne vois pas d’autre solution.
Je ne mets pas en avant le fait que moi aussi j’ai des enfants, pas dans la même commune, donc avec un fonctionnement différent. Comment je ferai si on me demande mettre ma fille qui est en CM2 le mardi matin et le jeudi après-midi en classe (parce que c’est le planning de son groupe) pendant que moi je serai dans mon école ?

Complexité infernale: proche d’une reconversion

Bref, tout ça me parait d’une complexité infernale et si encore l’enfant et son bien être était au centre de tout ça, mais il me semble que ce n’est pas le cas.
Je me prépare à reprendre mon diplôme de BAFA pour cette fin d’année scolaire et à mettre ma casquette d’enseignante de côté.

Désillusion

Voilà pour les grandes lignes. Je pense également que les enfants que l’on n’a pas réussi à contacter pendant la période de classe, à la maison, seront les mêmes qui ne viendront pas à l’école… j’espère me tromper… » – VLB –

Témoignages recueillis par Valérie Doulevant

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