Janvry, Boves, Munster… réforme et rythmes scolaires

Rythmes scolaires : l’exemple des villes de Boves, de Janvry, de Munster.

Les maires de ces trois villes ont répondu aux questions posées sur le rythme scolaire et sa viabilité dans leurs communes respectives:

– Daniel Parisot (68 ans), maire de Boves (village situé dans le département de la Somme, près d’Amiens, en Picardie), a suivi, à la dernière rentrée, le dispositif Peillon, pour le suspendre ensuite le 4 novembre 2013.

– Christian Schoettl (58 ans), maire de Janvry (dans l’Essonne, région Ile de France) après analyse du projet global, a carrément refusé (par délibération du conseil municipal unanime) ces nouveaux horaires à l’école.

– Pierre Dischinger, maire de Munster (Haut-Rhin en Alsace), avait trouvé le rythme scolaire idéal dans sa ville depuis quasiment 25 années (avec dérogation annuelle), aujourd’hui désemparé pour la rentrée 2014/2015…

LE CAS DE BOVES, AVEC DANIEL PARISOT

La mairie de Boves

Mairie de Boves

Le premier maire (dernier en date à avoir changé d’avis pour sa commune après la ville de Crillon et quelques autres), Daniel Parisot, a décidé de reprendre les anciens horaires concernant les rythmes scolaires à l’école de Boves, jusqu’à une date indéterminée.

Marche arrière, impossibilité d’appliquer le décret à Boves

Après la rentrée 2013 et deux mois d’essai réel, le maire, Daniel Parisot et son équipe municipale ont donc décidé de suspendre le dispositif à Boves, à partir du 4 novembre 2013, car les parents et les syndicats étaient fortement mécontents. Un comité de suivi composé de quatre parents d’élèves, des directeurs des écoles maternelle et primaire, de deux enseignants, d’un inspecteur de l’Education Nationale et de deux représentants de la commune s’est tenu jeudi soir pour définir une méthode de travail, afin de proposer à la municipalité une nouvelle organisation des TAP (Temps d’Accueil Périscolaire).

Le PEDT (Projet d’Education Territorial) avait été envoyé au recteur, tout a été prêt et préparé pour la rentrée de septembre 2013.

Ce n’est pas la réforme du maire!

« Cette réforme, déclare Monsieur Parisot, maire de Boves, est celle de Peillon, pas celle du maire ! Et pourtant, nous avons essayé : nous avons organisé plusieurs réunions, dont la première en 2013, en conseil municipal, pour savoir si oui ou non nous mettions en place ces nouveaux horaires. Après accord pour tenter l’expérience, cela nous a demandé des mois de travail : nous avons consulté plus de 600 études de l’INSERM, lu et écouté des pédopsychiatres (qui jugeaient cette réforme mauvaise pour la fatigabilité de l’enfant), nous avons créé un comité de pilotage, une régie communale …

Bref, beaucoup d’énergie… Mais, au final, cela ne convenait pas. Nous avons également rencontré des difficultés à faire communiquer les parents et les enseignants (tenus au droit de réserve), il n’y a pas eu, ou très peu, de dialogue entre eux… (pour les raisons d’opposition à la réforme ou parfois également, il s’agissait de rancœur personnelle du président des parents d’élèves). Par conséquent, nous avons voulu créer une sorte d’électrochoc en suspendant la mesure au début de ce mois, et faire connaître au recteur nos difficultés.»

Une très forte politique éducative à Boves

Les horaires étaient les suivants : 8h45-11h45 / 14h45-16h30

TAP (Temps d’Accueil Périscolaire) ou repas : 11h45-14h45 (2 fois 45 minutes)

Sur le terrain, des animateurs diplômés embauchés: dix personnes recrutées quelques heures en CDD, onze conventions de stage signées avec des associations, des intermittents du spectacle (en danse, musique, théâtre…). Au total, 17 animateurs pour 260 enfants. (Une prestation d’auto entrepreneur coûtant entre 25 et 40€ de l’heure)

« A priori les enfants étaient heureux, mais très fatigués ! » précise Daniel Parisot « Il faut dire que pour un allégement du temps de travail, on arrivait quand même à 24 heures de temps scolaire comme avant, plus 3 heures de TAP (Temps d’Accueil Périscolaires)! »

Daniel Parisot (maire de Boves et par ailleurs, conseiller délégué Amiens Métropole) n’a a pas agi par hasard et sans réflexion personnelle : il a été lui- même sept ans enseignant, a également fait partie d’un groupe de recherche pédagogique. « Nous avons ici, à Boves, une très forte politique éducative. Nous essayons d’être à l’écoute de l’enfant et nous le plaçons au centre de ce débat.

Un exemple : au centre de loisirs de Boves, les enfants peuvent faire un baptême de l’air. Quoi de mieux pour se rendre compte de la géographie et de tas d’autres notions ? Quand il passe au-dessus de la maison de leur grand-mère par exemple, ils ont appris, compris beaucoup de choses et surtout ils le retiendront.. Il y a une complémentarité entre l’école et les activités d’animation. »

Selon les interlocuteurs: une reprise du dispositif en janvier 2014? en septembre 2014? ou jamais?

Cette mesure a par conséquent été « repoussée à janvier 2014« , selon le Directeur Académique des Services de l’Éducation Nationale de la Somme, Yves Delécluse, qui met en avant la loi .

« Repoussée à au moins septembre 2014« , selon l’un des représentants des parents d’élèves, Aurélien Crombez, « qui mesure l’étendue du travail qui a été diagnostiquée », date approuvée par le maire qui trouve que recommencer en janvier serait présomptueux. «Je veux éviter de faire faire le yoyo aux enfants et aux parents, et laisser le temps au temps, dans un domaine bien particulier qu’est la matière humaine. »

Une prochaine réunion du comité de suivi est prévue le 22 novembre 2013 à Boves. Les représentants des parents d’élèves de Boves se posent encore la question de savoir s’ils vont continuer à siéger…

Pour en savoir plus sur le sujet, à Boves : France Bleu / France 3 Picardie / Courrier Picard

Valérie Doulevant

LE CAS DE JANVRY

La mairie de Janvry

Ville de Janvry

« Rythmes scolaires, c’est non ! » a décidé Janvry en Essonne

La commune rurale de Janvry (Essonne) a décidé de ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires en 2014, par la voix de son maire Christian Schoettl. Cet homme, peu enclin à la langue de bois, déclare à qui veut l’entendre : « Nous considérons que cette réforme des rythmes scolaires n’est « ni faite, ni à faire ! », sans ambition et sans courage […] Nous avons une impérieuse obligation à la résistance et à ne pas admettre tout et n’importe quoi, sous prétexte que cela vient d’une « autorité ». […] L’argent n’a pas sa place ici, et cette réformette sans ambition ne sert que l’égo d’un ministre et dessert l’intérêt des enfants. » Blog de Christian Schoettl

Quatre constats posés par le maire de Janvry

Le premier est celui que l’enfant (son bien-être, son rythme) est, à ses yeux, l’enjeu essentiel .

Le second, qu’il est catastrophique de politiser cette histoire « sur le dos des enfants, qui sont du coup, pris en otage. »

Le troisième consiste à dire que « les maires ont une libre administration de leur commune, c’est du droit constitutionnel ! Et on est en droit de se demander s’il est bien légal d’imposer ce dispositif par un simple décret … Est-ce bien constitutionnel » s’interroge le maire de Janvry, Christian Schoettl.

Enfin, sa dernière remarque consiste à dire qu’une des réponses pour améliorer les rythmes scolaires des enfants consisterait à s’attaquer aux vacances scolaires en tout premier lieu. « Cette réforme serait ambitieuse, si la question des vacances était remise en question. J’ai travaillé dans la banlieue parisienne, aux Ulis, et il n’était pas rare de rencontrer des enfants désœuvrés avec 2€ en poche et livrés à eux-mêmes dans la rue, pendant les vacances scolaires. L’école de la République est essentielle: elle est le creuset de nos enfants et de la nation. Les injustices de scolarisation augmentent, selon que les villes sont riches ou pauvres, grosses ou petites. »

Ce n’est pas une loi, mais un décret

Il faut dire que la commune de Janvry achète toutes les fournitures de ses écoliers, depuis des années. Car, aux yeux de cet élu, les valeurs d’égalité à l’école sont importantes.

Christian Schoettl revendique « le droit de grève des élus ! On ne peut pas faire un ersatz de réforme, mais on n’est pas loin de renverser la bête ! Et il faut faire attention aux mots, cette réforme n’est pas une loi, il s’agit d’un décret… Les enseignants vont faire grève cette année dans mon école, ce qui est rarissime… et ils sont venus me demander si ça ne me dérangeait pas ! »

« Un égo gros comme un camion semi-remorque«

Christian Schoettl poursuit : « Il semble que j’ai des propos insurrectionnels… Comme d’autres, en d’autres temps, qui préféraient la Résistance à Vichy ; ou d’autres encore, qui couraient sur les toits avec leurs antennes pour défendre les radios libres. » […] « Je suis consterné de voir ces élus qui, mielleux, jouent les bons élèves, servent la soupe; ces politiquement corrects qui se préoccupent plus de leur carrière que de l’avenir… Si Vincent Peillon, avec son égo gros comme un camion semi-remorque, en manque de reconnaissance, publie un décret à la va-vite, c’est hors de tout contrôle démocratique… »

Célébrité médiatique

Surpris par sa célébrité médiatique, Christian Schoettl continue dans sa logique, fier de sa désobéissance civile. Mais les rebelles, les Zorro et autres Robin des Bois, n’ont-ils pas toujours dérangé, surtout quand ils semblaient avoir raison contre les soi-disant puissants de ce monde ?

Et c’est tout un conseil municipal qui a voté lundi 7 octobre 2013 au soir, à l’unanimité, une délibération intitulée : Rythmes scolaires : c’est non ! (voir Le parisien du jeudi 10 octobre 2013)

« Et j’attends toujours les CRS pour ma désobéissance civile ! » ajoute Christian Schoettl, résistant scolaire.

Valérie Doulevant

LE CAS DE MUNSTER

Ville de Munster en Alsace

Ville de Munster en Alsace

Rythmes scolaires: gêne et interrogations de la part de Pierre Dischinger

Depuis 25 ans, Munster, ses enfants et leurs parents vivent au rythme scolaire décidé il y a 24 ans. Jusqu’à présent, les trois écoles de Munster bénéficiaient d’un système dérogatoire pour organiser les cours sur sept demi-journées, cette commune étant la seule sur la région à avoir adopté ce principe (qui requiert une dérogation annuelle).

Le contrat éducatif local (CEL) mis en place actuellement et depuis un quart de siècle, contente tout le monde. « Les cours sont organisés de manière à libérer deux demi-journées complètes, pendant lesquelles les enfants peuvent choisir de ne pas fréquenter l’école, ou de s’investir dans des activités péri éducatives […] chapeautés par une association, La Pépinière. » peut-on lire dans le magazine le Point.

Le village gaulois qui résiste

Pierre Dischinger, maire de Munster, explique que « parents d’élèves et enseignants se sont concertés, pour savoir dans quelle mesure on pouvait adapter nos horaires au décret de Vincent Peillon. »

Le retour de leurs conclusions s’est fait par le biais du Conseil d’École le 7 novembre 2013. « Nous faisons office de village gaulois : tout le monde est d’accord pour garder notre système ! Pourquoi en changer ? » se questionne le maire de Munster, « Dans le cadre du Contrat Éducatif Local, nous avions embauché 15 animateurs spécialisés pour organiser les 6 ateliers des après-midis, et ce, proposé à 120 familles (pour 270 élèves de la maternelle au CM2) .

Les parents et enseignants sont d’accord pour ne pas changer cette organisation à 95%, à un détail près pour les 5% restant: l’allongement de la pause méridienne.»

Vendre au mieux la réforme

Voilà, c’est dit ! Une commune de plus qui, dans les faits, ne se retrouve pas du tout dans cette nouvelle organisation , dirigée et voulue par le ministre de l’Éducation Nationale actuel, Monsieur Vincent Peillon.

Ce dernier est d’ailleurs pris à partie par la chronobiologiste Claire Leconte, dont les études et les recherches ont servi à la mise en place du système scolaire actuel munstérien. « Loin de ne penser qu’à un réaménagement des rythmes scolaires, il s’agit évidemment d’un projet de société, seul moyen de sauver le service public de l’éducation nationale. »

Le site de Claire Leconte répertorie des propositions pour un tel projet. Dans son blog, elle ajoute « Si M. Peillon, M. Rufo, M. Testu [ les experts qui ont conseillé le ministre] connaissaient aussi bien l’école primaire qu’ils l’affirment, ils sauraient la lourde tâche que représente le fait de devoir accompagner tout au long de l’année, tous les jours et toutes les semaines, tout un groupe classe, en tenant compte des différences interindividuelles encore fortement marquées à ces âges. »

Efforts de toute une ville, ruinés?

Et de citer l’exemple de Munster : « En face de ces experts qui essaient de vendre au mieux la réforme du ministère, on a un maire qui se bat pour conserver dans sa ville une organisation qui fait ses preuves depuis 24 ans ! Organisation qui est passée au travers de tous les gouvernements successifs depuis sa mise en place, et qui risque de ne pas résister à celui qui a déclaré vouloir « refonder l’école » ! Faut-il en rire ou en pleurer ? »

Les enfants, ces cobayes

Cette année, tout le monde est effondré : les parents, les enseignants et la municipalité de Munster… au nom des enfants, de nos enfants.

Et Claire Leconte, chronobiologiste de renom, de conclure sur le sujet: « Mais il serait bon qu’il [le ministère de l’EN] pense vraiment aux enfants, parce que pour l’instant, beaucoup d’entre eux servent de cobayes. Les inspecteurs, qui appliquent et imposent sans aucun état d’âme, une organisation qui n’est pas en train de faire ses preuves, auront sur leur conscience les méfaits qu’elle produira, nous pouvons le craindre. »

Valérie Doulevant